Par Aïssa Benchekroun
(extrait)
Les Relations de tous genres, entre les deux rive de Gibraltar , telles que les différentes lectures de l’Histoire les ont rapportées depuis l’installation des deux Religions Monothéistes , n’ont jamais cessé (sauf à la période andalouse ) de porter un cachet de violence , et d’être dépourvues , à un moment ou à un autre , d’esprit de confrontation et d’animosité .
Ibères et Berbères du Sud du Détroit sont parmi les Peuples dont les Historiens hésitent toujours à décrire les véritables origines, tout en attestant qu’ils sont arrivés à s’accrocher à des Terres qui les ont marqués certes, mais qu’ils ont réussi à féconder pour en faire des lieux où il faisait bon vivre, au point de leur attirer les convoitises d’autres peuplades plus puissantes et plus ou moins lointaines. Et s’ils n’ont pu toujours, des deux côtés du Détroit, repousser les envahisseurs , ils se sont tellement imprégnés de leurs apports culturels , linguistiques et plus tard religieux, qu’ils en sont devenus les défenseurs , les fers de lance pour leur pénétration dans d’autres Contrées .C’est surtout au Nord que cette influence a été la plus remarquable et la plus durable pour finir par prédominer , d’autant plus qu’elle s’appuiera sur un phénomène nouveau, celui de l’élément « religieux chrétien » qui triomphera des Cultes divins locaux .Tandis qu’au Sud, cette influence restera limitée géographiquement , et ne concernera que quelques populations « importées », parce qu’elle ne s’aventurera que rarement dans les régions intérieures, même quand elle fera appel , comme au Nord , à la nouvelle Religion pour l’aiderà bien s’établir chez les « Indigènes ».C‘est dire que les deux populations, soumises aux mêmes pressions d’invasion et d’anéantissement de la part de troupes plus puissantes et plus aguerries, ont réagi différemment de part et d’autre du Détroit : la co-habitation qui a fini par prévaloir au Nord, après les longs siècles de pénétration guerrière à travers toute l’Europe, suite à la christianisation de Rome et de son Empire. Et si l’utilisation par celle-ci de l’élément religieux « chrétien » a joué un rôle dans l’affaiblissement de la résistance à la pénétration militaire romaine,, elle n’a pu que faciliter par la même occasion l’extension de la Religion du César conquérant, tout en intégrant à la Mythologie drainée par ses ceinturions, les Divinités et les Esprits en honneur chez les populations soumises, pour ouvrir plus tard la voie à l’exercice exclusif de cette Religion, et imprimer ainsi , son aspect définitif au caractère « éthnico-religieux » de la Péninsule , qu’on lui connaît dans les temps modernes,( à l’exception pour l’intermède andalous ) .Mais ce même élément religieux , introduit dans les mêmes temps et par les mêmes arméex, dans les régions méridionales cette fois-ci du même Détroit, n’a pas pu y exercer une influence équivalente, ni durer aussi longtemps,et y produire des effets similaires, dans des populations restées somme toute, peu impressionnées par les déploiements les forces conquérantes, et les « propres Esprits » et les « propres Divinités » étaient au demeurant restés fort récalcitrants aux manifestations des Dieux des vainqueurs, ou plus tard à l’enseignement de leur nouvelle Religion. Il est vrai que la résistance dans ce Sud s’est trouvée renforcée par les apports byzantins et carthaginois , en termes de Croyances et de forces armées, pour se lier aux Berbères et casser cette suprématie romaine, devenue maîtresse des deux Rives, et à laquelle tout le monde sud-méditerranéen s’était confronté. Ce n’était donc point étonnant , qu’au contraire de ce qui arriva au Nord, l’occupation des armées romaine au Sud, fût toujours marginalisée , et limitée dans le temps et l’espace , pour se voir dans l’obligation de plier bagages aux premières escarmouches avec des cavaliers venus d’Orient , porteurs d’une nouvelle Foi qui allait fortifiait la résistance des Indigènes à l’occupation romaine ,et pour donner définitivement le caractère berbéro-arabo-musulman à cette région , et le distinguer de celui laissé au Nord ..
Et c’est sans conteste que, l’installation de l’Islam dans ce Sud , face à un Nord devenu en permanence chrétien, plus ou moins imprégné de culture romaine, et plus ou moins inféodé au Pouvoir de Rome, devait accélérer le départ des légendaires ceinturions des Césars de cette partie méridionale de leurs domaines ouest- méditerranéens, et inaugurer la longue période de confrontation entre les deux rives du Détroit, malgré l’enrichissement de l’intermède andalous , et semble avoir voulu se perpétuer jusqu’à nos jours, et cela sous les formes les plus variées et les plus inattendues ( 1 ).
Mais ce n’est pas dire que les tribus de ces deux Régions étaient en état de guerre permanente, ou recroquevillés sur elles-mêmes, vivant en autarcie « spirituelle » et isolées du reste du monde. Car auparavant, et longtemps avant l’apparition des deux Religions Monothéistes dans cette extrême région du monde connu alors, Romains, Grecs, Byzantins et Carthaginois l’avaient mise en contact avec d’autres civilisations, avec les légendes de leurs diverses Divinités et de leurs Héros, ou avec celles d’un Alexandre le Grand et celles des fameuses dynasties pharaoniques , pour y continuer leurs propres objets d’adoration, ou pour se renforcer contre les Divinité indigènes qui se dresseraient contre leur Pouvoir .
Cependant, ni les souvenirs de ces Dieux antiques d’Orient, ni les mânes des Esprits locaux restés enracinés dans les habitudes des populations, ni l’arrivée d’un Christianisme Rédempteur et non discriminatoire, n’allaient en quelque sorte, réussir à ouvrir des voies de communication entre ces mêmes populations, pour instituer des situations de paix permanentes,, puisque, bien installées dans leurs convictions religieuses et confortées par les victoires de celles-ci, elles ne concevaient plus leurs rapports réciproques, qu’en termes de confrontation et de domination . Rare était alors l’esprit de dialogue religieux, et encore moins cette volonté de chercher à convaincre un adversaire qui croyait au même Dieu, mais qui voulait l’adorer différemment..Et l’Histoire enregistrera, avec l’arrivée de l’Islam sur cette rive méridionale de cet Extrême Nord Ouest Méditerranéen, que ce n’était pas tellement une confrontation « théologique » pacifique entre les deux Fois à laquelle on allait assister, pour évaluer les bien fondés et les mérites de chacune , mais bien à une réaction d’autodéfense de la part d’un Pouvoir bien établi qui, se sentant menacé dans ses fondements aussi bien séculiers que religieux, n’allait pas hésiter à utiliser la Religion comme arme de combat contre l’Adversaire. Déjà donc, l’ instrumentalisation politique de la Foi par le Pouvoir séculier, comme cela se fera plus couramment plus tard lors des Croisades, était une pratique acceptée par les plus hautes Autorités au Nord .C’est ainsi que l’une des deux Religions, ou plutôt ceux qui en étaient les grands Responsables,voyaient une menace pour elle et pour et pour eux, dans l’arrivée de cette nouvelle Foi ; car estimant seulement , et sans chercher à la connaître ou à dialoguer avec elle, qu’elle lui avait « subtilisé » ses deux principaux symboles Jésus et Marie, elle ne pouvait que chercher à la supplanter dans l’âme de ses Fidèles. Elle ne devait donc que réagir en faisant tout pour lui barrer la route , au besoin en s’alliant avec le diable,c’est-à-dire avec la Puissance séculière et avec ce qui reste des Esprits et des Divinités indigènes .Et ce n’est qu’ainsi qu’on peut comprendre cette « haine »de l’Islam et ce refus de compréhension de son Prophète Mohamed , ces deux attitudes qui, si elles ne datent pas du Président Bush et des Néo-Conservateurs sionistes, parce qu’ayant eu des devanciers bien plus illustres , n’ont pas manqué de se nourrir des vicissitudes des guerres à travers les âges, des Grands et des Puissants entre eux, eglésistiques ou séculiers .L’Histoire espagnole, pétrie comme on le sait, de Catholicisme militant et d’esprit revanchard contre un Islam « conquérant », ne serait-ce que parce qu’elle aurait fourni les plus gros et les plus fanatiques contingents aux fameuses Croisades , ne peut-elle constituer elle aussi ce « terreau » dont a puisé le Pape Benoît XVI pour ses malveillants propos contre l’Islam ? Toujours est-il, que n’est également qu’ainsi , qu’on a pu apprécier par la suite et mesurer du même coup, toute la distance et toute la différence entre les populations du Nord et du Sud du Détroit, après que les lamentations sur la perte du »paradis » andalous aient diminué de leur intensité et de leur émotionnelle passion, et que le désir de revanche contre l’Islam « agresseur » ainsi que « l’irrédentisme »naissant à l’encontre du Sud, aient trouvé provisoirement une voie de dérivation bien plus rémunératrice vers les Amériques .Ce sont donc dorénavant deux Peuples l’un face à l’autre : l’Un fier non sans raisons de son Histoire , mais déchu de son auréole de grande puissance de l’Ouest méditerranéen , meurtri et affaibli, recroquevillé sur lui-même, et même subissant les attaques de ceux-là mêmes qui venaient à son secours pour l’aider à résister à la « Requonsista » ; l’Autre vainqueur chez lui et sur son sol, aguerri par les victoires outre-atlantiques , enhardi par les richesses américaines qui font de lui désormais un partenaire convoité des autres Puissances européennes et de la Papauté ; l’Un est l’objet dans son propre camp de soulèvements internes , de guerres de succession ou de querelles dynastiques , et subissant les assauts de ses anciens Sujets du Nord ; l’Autre sûr de lui-même et de sa position vis-à-vis de la Papauté avec laquelle des Traités sont signés, entreprenant, diversifiant l’administration de ses nouvelles conquêtes américaines en leur assurant protection et la fourniture d’émigrés européens et d’esclaves pour leur développement , pour rejeter à plus tard les préparatifs pour un assaut final sur cet « ennemi héréditaire » , cet Empire du Sud dont il était le « Vassal ». Et c’est sans doute à partir de ces positions politico-religieuses territoriales que les Autorités temporelles et églésiastiques du Nord, poussées par leur succès à chasser les envahisseurs et même à « éradiquer » leur Religion de l’aire ibérique, commencèrent alors à se familiariser avec l’idée de joindre à l’ancienne revanche catholique en attente depuis longtemps, la nouvelle démarche d’un « Irrédentisme » spécifique à l’égard de son voisin du Sud, né lui, avec la politique des expulsions des Maures. Et ce ne seront depuis, que revendications et réclamations territoriales( Occupations de Sebta&Mélila , d’Ifni ; guerre de Tétouan en 1860 ), en passant par l’entretien de foyers de tension et la saisie de toutes occasions pour envenimes les relations étatiques , jusqu’ à l’ invocation d’un « droit de préemption » d’occupation auquel les principales Puissances européennes de l’époque ont acquiescé, lors du « dépeçage » international officiel de cet Empire méridional au début du 20ième Siècle. C’est également à partir de ce désir de revanche dont découlera par la suite la politique d’irrédentisme du Nord à l’égard du Sud, que la notion de frontières occidentales de « Dar Al Islam » est née, refusant à la Chrétienté d’en fixer les limites, ou de les geler provisoirement en attendant de les déplacer plus tard plus loin vers le Sud, dans son espoir qu’un autre Pape plus compréhensif , viendrait consacrer, par un nouveau Traité de Tordesillas ( 1494 ) ( 2 ) , de nouvelles frontières au monde catholique en Afrique du Nord .Mais cet acharnement à poursuivre jusqu’à son antre, cet « Ennemi qui s’est introduit par le Sud », s’il ne fût pas sans succès de la part du Nord, ( Occupation de Comptoirs et de Présides le long des deux côtes marocaines ), n’allait pas tarder à susciter l’inquiétude sur le sort du Détroit , incitant la Grande Bretagne , dont la force navale était en plein développement à l’époque, à occuper le Rocher de Gibraltar, à y installer sa Flotte de guerre et en contrôler le passage, en donnant un statut légal à sa présence militaire parla signature avec l’Espagne du Traité d’Utrecht ( 1713 ). Ce fût ainsi l’une des conséquences pour ce Nord , de cet irrédentisme naissant qui avait pris racine en Espagne elle-même , et dont elle allait payer le prix par la suite . Cependant l’irrédentisme n’étant pas toujours uniquement territorial, celui développé par l’Espagne à l’égard du Maroc , semble avoir pris tous les aspects d’une lutte sans merci contre tout ce qui peut rappeler sa présence , ses symboles , ses monuments , sa culture et son Histoire, sans oublier les autres éléments de domination, à savoir le commerce, la stratégie et la géostratégie à laquelle une attention particulière fût accordée par l’entente avec d’autres Puissances méditerranéennes sur le dos du pays ; c’est du moins ainsi qu’il s’est distingué à ses débuts , et c’est aussi quelques fois ainsi qu’il se manifeste aujourd’hui encore face aux justes revendications sur les Présides ! Car cette attitude n’aurait pas été absente lors des négociations sur l’entrée de l’Espagne dans l’UE, laquelle doit en tenir compte dans ses relations avec le Maroc ( Aides ; Stratégie militaire et sécuritaire ; Pêche …). Il est vrai qu’en ce qui concerne la conservation des monuments andalous, cette négligence qui avait prévalu aux débuts de la reconquête , fût par la suite abandonnée , pour être suivie par une politique assidue de soins, d’entretiens et de restauration de la part d’Autorités gouvernementales et régionales qui ont fini par reconnaître la valeur de cet apport musulman à l’ensemble de la culture ibérique ( 3 ) Mais si le « divorce » andalou a eu ces effets bénéfiques : matériels sur l’ensemble de l’Ibérie, et intellectuels sur l’Europe du Moyen-âge, qu’en est –il exactement en ce qui concerne le Sud ? Celui-ci n’a-t-il pas lui aussi profité de la présence sur son territoire de savants réfugiés décidés à entretenir et à développer la flamme du Savoir dans le pays d’accueil ? Et aujourd’hui encre ne rime-t-on pas « l’excellence » avec le mot « andalou », tout au moins en ce qui concerne les Arts, les Métiers, l’Architecture, la Musique, la Cuisine , la Littérature et la Poésie. ?Et ce divorce , ayant de surcroît définitivement rompu les relations traditionnelles entre les deux anciens partenaires de Détroit, il ne pouvait que continuer à produire ses autres effets logiques dans tous les domaines :désormais une Puissance courtisée, riche et jouissant d’une protection « spirituelle » assurée par le Pape au zénith de sa Pouvoir et de ses richesses , le Nord est encouragé à aller plus loin dans ses procès d’inquisition, à pousser à leur terme les processus d’expulsion , et même à s’aventurer plus dans ses entreprises coloniales méridionales ; et c’est son esprit de revanche qu’on cherche à exciter dans son latent et fatal irrédentisme sudiste. Il faut croire que ce Nord ne voulait plus entendre que cette Sirène-là ; et le cap dès lors , fût maintenu dans la bonne direction, principalement vers le Rif, l’Atlas, les côtes et les plaines environnantes . Et il n’y aura pas jusqu’à Franco qui n’aura pas écouté la voix de ses ancêtres castillans , pour aller occuper la zone internationale de Tanger ( 1941 ), répondant à ce « fonds d’irrédentisme » ( 4 ), désormais caractéristiques dans les relations maroco-espagnoles . On sait ce qui lui en coûtât : une inoubliable humiliation. Ce faisant, et quoiqu’il en soit, diraient certains , cet irrédentisme, n’étant plus de mise de nos jours, ni acceptable par la Communauté internationale qui serait prête à le combattre par la force au besoin, c’est de la manière « hautaine et condescendante » de regarder l’autre qui choque et provoque chez lui des réactions de peur , de désarroi d’insatisfaction et de méfiance à l’égard de ce partenaire . ( On pourrait aisément se reporter aux propos « méprisants » de Mr. Aznar , l’ancien Premier Ministre , concernant les Marocains ; ou au traitement « à peine tolérable » que reçoivent les Emigrés marocains lors de leur traversée du territoire espagnol pour rejoindre le Maroc ; et pourtant ils y dépensent pas mal d’argent ! ) Ce ne serait , dirait-on encore, qu’une attitude normale, résultant du ressentiment qu’éprouvaient les « Emigrés » ibériques à la recherche du travail au nord des Pyrénées . Peut-être ! Et si moralement il est permis à l’un comme à l’autre , d’entretenir des souvenirs que chacun pense qu’ils ont contribué à façonner sa gloire ou à faire asseoir sa personnalité actuelle dans un monde moderne aussi cruel qu’exigeant, ont-ils le droit l’un ou l’autre, de s’en prévaloir pour entretenir chez le voisin une atmosphère d’inimitié et d’hostilité , sans qu’une fois, l’un de leurs intérêts vitaux ou même marginaux soit mis en danger ? De même, en quoi cela arrangerait ses propres affaires si l’un, ce Nord pour ne pas le nommer, jouissant désormais d’avantages et de privilèges en tant qu’instruments essentiels de développement que lui confère son adhésion à l’Union Européenne , pour exercer pression et quelques fois blocage dans les négociations avec le Sud ? Et se sentirait-il moralement justifié quand certains de ses Dirigeants ou quelques uns de ses Mass-Médias , continuent brandir le drapeau de la « Revanche » pour entretenir les « vieux démons sacrés de l’irrédentisme » , pour s’en servir dans son refus de règlement des problèmes territoriaux encore en suspens avec le voisin méridional ? C’est sans doute vrai également que les Peuples ont besoin, pour leur santé morale, des hauts faits des périodes de « vaches grasses » de leur Histoire ! Mais n’ont-ils pas aussi plus qu’un besoin , un « devoir sacré » de se rappeler plus souvent des « vaches maigres » , pour ne pas oublier , par exemple : que ce Sud , après la « Requonsista », devait voir plusieurs Dynasties se succéder sur son Trône avant de se stabiliser finalement sur l’actuelle ; et que ce Nord , après les « Expulsions », n’allait pas manquer à son tour de connaître les querelles intestines qui aboutiront à une division permanente en deux pays, l’Espagne et le Portugal qui , s’ils étaient bien distincts, ne les unissaient pas moins, non seulement la « haine commune aux « Expulsés » et aux « Candidats à la traversée » sans retour du Détroit, mais aussi cette volonté commune de leurs Dirigeants séculiers et religieux de continuer dans les Aventures coloniales, qui ajouteront plus de prestige à leur Nom, plus de fermeté à leur Pouvoir, et plus de splendeur à leur Gloire . Mais si cette séparation permanente à l’intérieur de la Péninsule, a eu quelques retombées bénéfiques pour les populations concernées, elle ne fût pas sans donner naissance à rivalités entre les deux nouvelles Entités, qui allaient provoquer bien des calamités , chez d’autres Peuples et dans d’autres Contrées du monde. Les plus connues, ne furent-elles pas ces massacres de tribus entières d’Indiens, cette éradication des vieilles civilisations autochtones, cette participation au trafic maritime des esclaves, et qui n’avaient pas tardé à attirer, déjà à leur époque, les condamnations universelles? Et si l’on ne peut, avec le dicton (à quelque chose malheur est bon ) qu’accepter que la Littérature ibérique se soit enrichie de ces sanglants épisodes ( 5 ), on ne s’empêcher non plus de relever cette auréole « d’opprobre » qui avait alors plané sur toutes ces expéditions , et sur toutes les motivations aussi bien coloniales, mercantiles, scientifiques et stratégiques qui les avaient inspirées et commanditées . Et finalement, comme il est indéniable que la Presqu’île ibérique est aujourd’hui une péninsule européenne à tous points de vue , il est non moins sûr qu’elle recèle encore , ethniquement et socialement , les premiers éléments qui l’ont constitué , et qu’elle continue donc à appartenir également à la zone qui lui fait face immédiatement, ne serait-ce que par la presque similitude des traditions et la quasi ressemblance des populations actuelles, produits de ce « Melting-Pot » de tant de tant de mélanges ethniques, de tant de conflits, et de tant de siècles de soumissions et de dominations réciproques . Et ce phénomène, sans être unique en son genre, ne pouvait à la longue, dériver de nos jours que sur des populations aux critères de civilisation semblables , et déboucher sur une Communauté d’intérêts politiques, économiques , stratégiques et même géostratégiques, qui ne peut pas ne pas voir le jour et se poursuivre dans le Futur, pourvu que les dirigeants actuels s’y intéressent et y travaillent pour la réaliser et la faire prospérer . De toutes façons, une nouvelle Communauté de l’Ouest Méditerranéen , ne serait pas en contradiction ( même géographiquement parlant si jamais la liaison fixe dans le Détroit se réalise ), avec l’adhésion du Nord à l’UE , et obligerait celle-ci à diminuer de son penchant actuel à fixer constamment « les petites Etoiles » de l’Europe de l’Est . Comme quoi , une indispensable et étroite collaboration entre Ibéria et le Maroc est définitivement nécessaire à l ‘équilibre de cette Région , sans que l’une ou l’autre des deux composantes qui donnent sur le Détroit, se sente obligée de répudier son propre Passé , ou son passé commun avec l’autre (6) et ( 7 ) , ou de renoncer à sa propre source de Spiritualité, car de nos jours, les partenariats qui réussissent sont ceux dont les membres se respectent , et dans lesquels c’est l’affirmation et non le renoncement de la personnalité qui est le plus demandé . L’Espagne et le Maroc n’y trouveraient que satisfaction réciproque , pour vider une fois pour toutes, un contentieux vieux de plusieurs Siècles qui n’a que trop duré, et donner un démenti cinglant à toutes ces sirènes de malheur qui ne cessent de d’entretenir cet « irrédentisme » d’un autre âge ( 8 ), et de chercher à provoquer ce« Choc des Religions et des Civilisations » conçu pour les besoins que l’on sait. Ou bien doit-on tout compte fait, convenir avec l’adage, et se dire que les disputes et les querelles dans une même famille , sont souvent les plus acrimonieuses et les plus tenaces ? Mais il faut bien qu’un jour elles se règlent !
Rabat le 23 Septembre 2006 Signé : Aïssa Benchekroun Ancien Ambassadeur
Notes : Comme par exemple l’attitude du Parti Socialiste Espagnol et d’une population largement laïque, épousant une politique tout aussi « irrédentiste » et « catholique » à l’égard du Maroc , que celle des anciens Rois et Empereurs chrétiens.On sait que sous l’instigation du Pape Alexandre VI en 1494, le Traité de Tordesillas a été signé entre l’Espagne et le Portugal , pour délimiter les zones d’influence de chacun de deux Conquérants. La haine des Conquérants pour leurs anciens Envahisseurs, n’a pas été cependant, jusqu’à chercher à changer les célèbres noms des grandes villes , ni à effacer celui de l’ « Andalous » lui-même, ( dérivé comme on le sait, de la prononciation arabe du mot « Wandales , l’ ancien nom de cette région où habitaient les Vandales ) , tant le prestige du patrimoine musulman était grand, parmi les populations locales , et leurs Dirigeants chrétiens . Après un certain temps de pure vengeance cruelle contre « l’Homme et contre la Pierre », réparation et restauration de ces Lieux ,n’ont pas connu de répit , en particulier en ce qui concerne les villes comme « Madinat Zahra » ( Siège du Khalifat Omeyyade d’Occident, au lieu Cordoue qui n’était que simple Capitale des Emirs de cette Dynastie ), comme Cordoue elle-même et sa fameuse Mosquée, ainsi que l’Alhambra de Grenade qui fait aujourd’hui la fierté de l’Espagne chrétienne. Et tout cela ne peut qu’en imposer à ce Voisin du Sud , pour sa négligence de prendre soin de son propre patrimoine culturel et archéologique national, érigé par lui-même ou construit par l’Etranger sur ses terres ( Loukos ; Ruines d’Hercules et Grottes ;Ruines de Tamuda ; Volubilis ; Il faudrait aussi comparer les soins dont sont entourés aujourd’hui les statues de Averroès, d’Ibn Al Arabi, et de Maïmonides , érigées à l’entrée de la Mesquita de cette Cité du « Savoir » qu’était Cordoba, en hommage à la profonde et vaste culture de ces trois personnages des plus érudits de leur temps, et en reconnaissance à leurs apports à la culture universelle, avec la tombe du dernier Roi de Séville, Almu’Tamid ibn Abbad à Aghmatt prés de Marrakech. On ne s’étonnera point , puisque la propre tombe du fondateur de celle-ci, le fameux Youssef Ibn Tachfint, n’a pu échapper aux ténèbres de l’oubli, ni aux cruelles et inhumaines négligences de l’abandon . L’irrédentisme ibérique à l’égard du Sud et qui convoitait également, à un moment donné, la ville algérienne d’Oran et sa région, se nourrissait d’une volonté de revanche à triple volets : contre les défaites romano-ibériques au nord du Maroc à l’arrivée de l’Islam ; contre celui-ci qui s’est substitué à la Foi chrétienne restée chez quelques Tribus autochtones du Sud , à la suite de l’islamisation de l’ensemble du Pays ;et enfin contre l’installation arabo-musulmane en Andalousie . Comme ce sera le cas de la Littérature arabe pour ce qui est de la perte du «Paradis andalous » , dans laquelle les poèmes sur ce thème, sont à ce jour, considérés comme les plus beaux de toute la poésie arabe. L’exemple du Maréchal Améziane , cet Officier supérieur marocain proche compagnon de Franco dans la guerre civile espagnole , aurait dû lui attirer, ainsi qu’au Maroc , plus de sympathie de la part de la société civile ibérique , le prenant peut-être pour un « mercenaire » , alors qu’il se considérait, selon ses intimes, comme un trait d’union « réaliste », et un pont de rapprochement « pratique » entre les relations futures du Nord avec le Sud du Détroit, et cela sur un pied de parfaite égalité. Cet état d’esprit du Maréchal , s’il était vraiment réel, ne convenait nullement à celui régnant chez les Dirigeants , qui ont déjà participé à la « curée » de 1912 , et lancé la guerre du RIF contre Abdelkrim.